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Prépare-t-on les jeunes à être pharmaciens ?

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Prépare-t-on les jeunes à être pharmaciens ?
Prépare-t-on les jeunes à être pharmaciens ?

Filière négligée par les étudiants depuis quelques années, la pharmacie reste un métier mal connu et encore peu valorisé. Qu’est-ce que le métier de pharmacien aujourd’hui ? Et comment s’y prépare-t-on ? Onlib’Infos a posé la question à deux étudiants en pharmacie fortement engagés sur l’avenir de la profession et qui décrivent un métier aux multiples opportunités, que la crise sanitaire a remis sur le devant de la scène.

Merci à Servanne Lalinec et à Romain Gallerand, respectivement vice-présidente en charge des perspectives professionnelles et porte-parole de l’Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France (ANEPF).

Quel regard portez-vous sur l’évolution du rôle du pharmacien depuis la crise sanitaire ? C’est quoi être pharmacien aujourd’hui ?

Romain Gallerand : La crise sanitaire a effectivement changé la donne, avec une prise de conscience générale du rôle essentiel du pharmacien. La population a enfin réalisé que le pharmacien n’était pas simplement un « pousseur de boîtes » ou un business man qui fait tourner une entreprise, mais un professionnel de santé qualifié, au centre du parcours de santé de son patient. Cette prise de conscience s’est faite à tous les niveaux puisqu’elle a abouti à une nouvelle convention pharmaceutique, signée le 9 mars 2022 et entrée en vigueur le 7 mai 2022 qui a permis un élargissement du champ de compétences du pharmacien en l’autorisant notamment à administrer un certain nombre de vaccins obligatoires.

Servanne Lalinec : Effectivement, le glissement de tâches opérées dans l’urgence du COVID a été acté et être pharmacien aujourd’hui consiste en une multitude de missions : l’analyse de l’ordonnance, le conseil et la délivrance de médicaments demeurent au cœur du métier. Ce qui change, c’est qu’il est désormais officiellement reconnu comme un acteur de premier recours et un acteur de prévention : entretiens pharmaceutiques, délivrance des kits de dépistage de cancer colorectal, vaccins... Il est d’ailleurs généralement le premier interlocuteur du parcours de soin.

En 2022, 1 100 places n'ont pas été pourvues au sein des 24 facultés de pharmacie, près de sept fois plus qu'en 2021. Les stéréotypes persistent ?

S.L : Le changement des mentalités n’est pas encore acquis et les stéréotypes persistent en effet, en raison d’une méconnaissance des métiers de la pharmacie, sur laquelle il faut travailler. Les études de pharmacie sont trop peu connues des étudiants, peu ou mal informés sur la variété des débouchés et sur les spécialisations possibles. Et pourtant, même au sein d’une pharmacie d’officine, on peut se spécialiser dans des domaines bien différents !

R.G : Le problème commence dès Parcoursup. La visibilité a été améliorée cette année mais la présentation mérite encore d’être clarifiée concernant le parcours à suivre. Il y a aussi l’effet de la réforme PASS-LAS (ndlr : PASS = parcours spécifique accès santé et LAS = licence avec option accès santé) mise en place en 2020 et aujourd’hui très contestée car mal comprise par les étudiants et appliquée de façon très hétéroclite au niveau local en fonction des facultés. Les étudiants sont perdus...

Quelles sont les actions entreprises à votre niveau pour améliorer la visibilité et l’attractivité de la profession ?

S.L : Il nous semble aujourd’hui fondamental d’aller voir les collégiens et les lycéens pour qu’au moment d’exercer leur choix, ils aient un minimum de visibilité sur l’intérêt du métier de pharmacien et la diversité des débouchés. On se déplace dans les lycées et dans les salons étudiants pour promouvoir la filière. Nous avons aussi travaillé avec l’Ordre des pharmaciens sur des actions de communication et notamment une campagne sur Instagram (@les_pharmaciens) à base de vidéos de présentations sur des journées en immersion avec des pharmaciens d’officine, d’industrie, dans la recherche, etc. Nos actions doivent aussi pouvoir atteindre les parents qui manquent souvent d’informations sur les métiers et ont tendance à pousser leurs enfants à se diriger vers médecine, considérée, à tort, comme la voie la plus prestigieuse.

R.G : Nous avons aussi lancé un concours sur TikTok #onestbienenpharma qui a permis une dynamique de promotion des différents métiers (pharmacien hospitalier, industriel, biologiste, d’officine, etc.), avec la réalisation de micro-trottoir et de vidéos pédagogiques, de promotion auprès des étudiants. Par ailleurs, nous avons mis en place un groupe de travail sur l’attractivité de la pharmacie avec la FSPF (Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France), l’USPO (Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine), le LEEM (Les Entreprises du Médicaments) le SNITEM (Syndicat National de l’Industrie des Technologies Médicales), L’UDGPO (Union Des Groupements de Pharmaciens d’Officine), la FEDERGY (Chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie), le CPCMS (Collège des Pharmaciens Conseillers et Maîtres de Stage) et la FNSIPBM (Fédération Nationale des Syndicats d’Internes en Pharmacie et Biologie Médicale), ainsi que l’Ordre des pharmaciens et la Conférence des doyens. L’objectif : trouver une campagne de communication pour déjouer les idées reçues, et montrer que la pharmacie est un métier valorisant.

Quel rôle le numérique joue-t-il dans l’évolution du métier de pharmacien d’officine ?

R.G : La digitalisation de la profession s’est accélérée avec le Ségur du numérique et la mise en place de « Mon espace santé » intégrant le dossier médical partagé. On se rend compte que le numérique est aujourd’hui indispensable dans le parcours de soin car il permet d’interconnecter tous les professionnels de santé entre eux en ayant à disposition l’historique des traitements, des bilans sanguins, des comptes-rendus d’hospitalisation et des rendez-vous médicaux. Depuis avril 2023, une phase 2 est en cours avec la mise à jour des logiciels de gestion d’officine et la possibilité de consultation par les professionnels de santé, directement depuis leurs logiciels, de l’information disponible dans Mon espace santé.

S.L : La mise en place de « Mon espace santé » sécurise le parcours de soins. D’abord, parce qu’il permet d’avoir accès aux antécédents du patient mais aussi parce que via la messagerie sécurisée, le pharmacien peut échanger facilement avec les autres professionnels de santé. Cette évolution numérique fluidifie considérablement les relations avec les médecins par exemple, et permet à chacun de réaliser l’intérêt de travailler en interaction.

Quelles sont les attentes autour de l’installation ? Les jeunes ont-ils la volonté de s’installer et sont-ils aptes à le faire dès la sortie de la faculté ?

S.L : Devenir titulaire en sortant des études est un grand pas et, depuis la crise sanitaire, il y a, me semble-il, un frein à cette ambition. Les jeunes diplômés ont plutôt envie d’explorer, de tester différents types d’exercices, différents environnements (villes, campagnes) et de connaître différents types de patientèles. En tant qu’ANEPF, nous essayons de former notre réseau au maximum afin de leur donner toutes les clés en main pour leur installation. D’ailleurs, nous réalisons un guide (guide de l’installation du jeune pharmacien) pour lever l’ensemble de leurs doutes sur le sujet.

R.G : Je ne suis pas sûr que sur le plan entrepreneurial, nous soyons aptes à nous installer tout de suite ! Beaucoup d’entre nous ont l’intention d’accumuler un peu d’expérience avant de se lancer ou de prendre une année supplémentaire pour se former en management, ressources humaines, comptabilité ou gestion. Les enseignements proposés dans notre cursus de pharmacie sont encore peu denses et méritent d’être complétés par un DU spécialisé.

Évolution des missions, développement durable, intelligence artificielle... à quoi ressemblera le pharmacien de 2050 ?

S.L : Certainement à un professionnel plus ancré dans une démarche écoresponsable systématique, avec, par exemple, des commandes regroupées et localisées en France ou la mise en place de bacs de recyclages dans la surface de vente. Ce sera aussi un pharmacien capable d’adapter ses infrastructures à son public, comme l’installation de comptoirs abaissés pour les personnes porteuses d’un handicap. Enfin, je suis convaincue du rôle essentiel que le pharmacien va jouer, certainement bien avant 2050, dans la problématique des déserts médicaux.

R.G : En effet, les pharmaciens ont un excellent maillage territorial et leurs missions vont sans doute continuer de s’élargir pour soutenir le corps médical et pallier la pénurie de médecins dans les territoires. Par ailleurs, quels que soient les progrès technologiques, - téléconsultation, livraison de médicaments à domicile, ou autre -, je crois aussi que le pharmacien restera ce professionnel de proximité qui rassure et que l’on aime consulter en premier recours. Le contact humain est et restera indispensable dans notre profession, parce qu’il nous permet aussi de mieux comprendre la douleur du client et d’adapter efficacement notre prise en charge.

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