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Financiarisation des structures vétérinaires : contrainte ou choix maîtrisé ?

Santé
Financiarisation des structures vétérinaires : contrainte ou choix maîtrisé ?
Financiarisation des structures vétérinaires : contrainte ou choix maîtrisé ?

Tension générale sur le recrutement, désintérêt des jeunes pour la gestion économique des entreprises... La tendance est à la financiarisation des structures vétérinaires et l’émergence d’acteurs économiques déjà implantés ailleurs en Europe influence la manière de penser la profession en ouvrant la voie à de nouvelles opportunités.
Quel impact cela peut avoir sur une profession d’essence libérale mais vouée au changement ? Laurent Perrin, président du Syndicat National des Vétérinaires d’Exercice Libéral, nous éclaire sur cette époque charnière. 

Le phénomène de consolidation est en constante évolution ? Comment l’expliquez-vous ?

La convergence de plusieurs phénomènes nous a conduit à la situation actuelle qui constitue un point charnière de l’évolution structurelle de la profession.
Les jeunes générations aspirent à un meilleur équilibre de vie pro et vie perso que celui de leurs prédécesseurs ce qui les rend peu enclins à s’engager dans le rachat de structures vétérinaires ou de part d’associations. Ils préfèrent, pour une grande majorité, se concentrer sur leur activité de soignant plutôt que d’entrepreneur et souhaitent conserver la liberté de pouvoir changer de métier aisément (quitter la clientèle pour d’autres types d’activité, ou reconversion professionnelle).
La crainte de ne pas trouver de repreneur et les difficultés de recrutement en collaborateurs vétérinaires les rendent plus sensibles aux offres proposées par les acteurs économiques récemment installés sur le marché français.
Déjà présents depuis plusieurs années dans d’autres pays d’Europe et à travers le monde, ils sont parvenus à restructurer la profession selon un modèle inédit jusqu’à un point d’équilibre se stabilisant à 50 % du marché. Nulle part ils n’en ont cependant pris la totalité, laissant coexister les modèles. C’est une chance…  

Un professionnel financé par un fonds de pension est-il toujours indépendant ? 

La question de l’indépendance est au cœur de la définition de l’activité d’une profession libérale réglementée. La difficulté est de deux ordres. Tout d’abord, il faut définir ce qu’est l’indépendance puisqu’il semble que les interprétations des uns et des autres divergent et entraînent des contentieux entre le CNOV et un certain nombre de structures radiées. Dans un second temps, il faut se donner les moyens de vérifier que cette indépendance est garantie dans les structures acquises par ces nouveaux investisseurs.
En parallèle du travail de l’Ordre des vétérinaires et de son rapport sur l’indépendance issu du travail de leur dernier congrès, le SNVEL, dans un groupe de réflexion réunissant les parties prenantes et lors de ses universités de printemps 2022, a listé plusieurs définitions possibles de l’indépendance : indépendance professionnelle des choix des thérapeutiques, des choix de gestion quotidienne et d’investissement, des choix de l’éventuel successeur ou repreneur de l’entreprise...
Aujourd’hui, nous sommes toujours dans l’attente de définitions claires ne laissant pas la place (en tout cas le moins possible) à l’interprétation. En ce sens, les textes préparés par la DGE visant à réformer l’ordonnance de 1990 sur les conditions d’exercice des professions libérales réglementées sont, pour le moins, décevantes (pour les dernières versions auxquelles nous avons eu accès). Nous sommes dans l’expectative des décisions du Conseil d’État dont nous pouvons espérer un éclaircissement de la situation. 

Quelles sont les conditions nécessaires pour permettre aux vétérinaires de prendre une décision éclairée sur une offre de rachat ?

L’information, au préalable, des professionnels devant répondre à une offre de rachat, est cruciale. Il est de la responsabilité de l’investisseur de communiquer une information loyale et de celle du cessionnaire d’aller chercher cette information et de se faire appuyer par des professionnels du droit. Chaque mot a son importance. Nous ne sommes pas armés, en tant que vétérinaire, pour saisir toutes les subtilités contractuelles, surtout lorsqu’elles sont réparties dans différentes conventions statutaires et extra-statutaires. 
Au-delà de cette obligation d’information, un contrôle du respect de l’indépendance doit être mis en place, s’effectuant a priori et s’appuyant sur la transmission de tous les contrats et conventions. L’arrivée des investisseurs non exerçants n’est pas propre à la profession de vétérinaire et concerne également d’autres professions libérales règlementées. La création d’une instance transversale pourrait être pertinente. 
Au-delà des questions de principes, une clarification du droit est indispensable pour permettre aux vétérinaires de prendre des décisions éclairées dans un environnement sécurisé. 

Plateaux techniques et matériels hauts de gamme type IRM, scanner, etc. : les vétérinaires qui souhaitent s’équiper peuvent-ils le faire seuls ?

L’offre de soins vétérinaires a évolué rapidement ces dernières années, de même que la progression du niveau des plateaux techniques nécessaires. Les structures ont grossi et les besoins en investissements peuvent-être considérables.
On peut toutefois affirmer sans trop de risques, que si des financiers sont intéressés par le marché vétérinaire, c’est que la rentabilité sera au rendez-vous. Dès lors, les professionnels indépendants ont aussi une carte à jouer dans la structuration du paysage vétérinaire. Comme évoqué précédemment, nulle part dans le monde, les financiers n’ont pris la totalité du marché, laissant coexister leur modèle avec des indépendants. Cette coexistence nécessite d’acquérir certaines compétences entrepreneuriales permettant de s’investir pleinement dans la gestion de son entreprise. 
L’essentiel : la cession ou non de son entreprise à un groupe doit rester un choix réfléchi et non contraint.
 

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