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Cette période de profonde évolution du métier est tout à fait propice pour déconstruire les stéréotypes et communiquer sur la richesse du métier

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Cette période de profonde évolution du métier est tout à fait propice pour déconstruire les stéréotypes et communiquer sur la richesse du métier
Cette période de profonde évolution du métier est tout à fait propice pour déconstruire les stéréotypes et communiquer sur la richesse du métier

Onlib’Infos s’est entretenu avec Lysa Da Sylva, présidente de l’Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France (ANEPF) et étudiante en 4ème année de pharmacie à l’Université de Poitiers. Elle nous a confié sa vision des défis auxquels le secteur de la pharmacie en France est confronté et précisé les actions de l’ANEPF et ses engagements.

Davantage de responsabilités, une meilleure interaction avec le médecin, une accélération de la digitalisation.... Le métier de pharmacien ressemble à quoi en 2024 ?

Le pharmacien est le carrefour de tous les professionnels de santé : il a une connaissance unique du médicament, des missions de plus en plus étendues, mais il reste avant tout le garant de la sécurité du patient et de son parcours de soin. Ses compétences ont évolué, en matière de vaccination notamment, mais aussi dans la prise en charge de certaines pathologies courantes comme les infections urinaires et les angines : au-delà de la dispensation des médicaments, le pharmacien a retrouvé son rôle essentiel, celui de conseil dans le dépistage et la prévention, au centre de la vie du patient. Le virage amorcé pendant le COVID est bel et bien confirmé.

Quel rôle peut ou doit jouer le pharmacien, selon vous, dans la problématique des déserts médicaux ?

La pharmacie fait partie de l’échantillon réduit des professions de santé réglementées territorialement. Naturellement, le pharmacien se présente donc comme sollicitable sans rendez-vous, six jours sur sept (par le biais de gardes ou non) et par définition, partout en France. Le pharmacien ne remplacera pas le médecin. Son rôle n’est pas tourné vers la sémiologie et la reconnaissance des symptômes. Il gravite autour du médicament et de la santé publique, toujours dans l’intérêt du patient et de sa santé. Au sein de structures comme les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et des Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) cette force du pharmacien s’illustre bien. Leur objectif est d’améliorer l’accès au soin dans des zones rurales ou isolées, le rôle du pharmacien est de plus en plus valorisé. En gardant bien évidemment pour postulat qu’on ne remplacera jamais le diagnostic d’un médecin, il me semble que l’on pourrait toutefois aller encore un peu plus loin dans la coordination entre professionnels et dans la délégation de tâches. Si l’on regarde au Québec, précurseur sur beaucoup de sujets de santé, les pharmaciens peuvent intervenir de façon autonome dans des situations spécifiques. Par exemple, lorsqu'une jeune femme se présente pour obtenir une pilule du lendemain, le pharmacien, en l'absence du gynécologue, est autorisé à mettre en place un traitement préventif pour un rapport sexuel à risque et à délivrer une contraception. Cette intervention est rigoureusement encadrée par un arbre décisionnel détaillé. Cela me semble tout à fait efficace pour réduire le temps d’attente des patients et assurer un suivi régulier dans des zones qui souffrent de pénurie de médecins. Même si cela reste une solution palliative, l’objectif principal devant etre de redonner aux jeunes l’envie de s’investir dans les métiers de la santé et afin qu’il y ait suffisamment de soignants sur tout le territoire et que chacun puisse rester dans son rôle.

C’est un vrai challenge quand on sait que la pharmacie notamment souffre d’un manque d’attractivité auprès des jeunes et d’un déficit d’étudiants. Quelles sont les actions de l’ANEPF pour déjouer les idées reçues sur la profession ?

L’ANEPF est particulièrement mobilisée sur la question de la promotion de la profession auprès des jeunes et cette période de profonde évolution du métier est tout à fait propice pour déconstruire les stéréotypes et communiquer sur la richesse du métier. La mise en place d’un groupe de travail dédié réunissant la plupart des syndicats*, ainsi que l’Ordre et la Conférence des doyens, a permis la mise en place de journées d'immersion pour les lycéens avec l’organisation d’ateliers sur les matières étudiées. Nous organisons également des campagnes de communication afin d’informer les étudiants, mais aussi le grand public, sur la diversité des débouchés et l’importance du rôle du pharmacien dans le système de santé. L’ANEPF est aussi bien sûr très présente dans les salons et les journées portes ouvertes. Nous prenons très à cœur cette mission d’information sur la richesse d’un métier mal connu des lycéens et souvent considéré comme un choix par défaut. On part parfois de très loin ! Par exemple, sur la plateforme Parcoursup, le mot « pharmacie » n’apparaissait pas !! C’est rectifié depuis 2023, mais ce n’est pas suffisant et nous travaillons encore avec les responsables pour simplifier et clarifier la compréhension de l’accès aux différentes formations proposées. Nous restons optimistes... Le nombre de places non pourvues au sein des 24 facultés de pharmacie de France a diminué en 2023 : 471 places non pourvues contre 1 100 en 2022... presque moitié moins !

* FSPF (Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France), l’USPO (Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine), le LEEM (Les Entreprises du Médicaments) le SNITEM (Syndicat National de l’Industrie des Technologies Médicales), L’UDGPO (Union Des Groupements de Pharmaciens d’Officine), la FEDERGY (Chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie), le CPCMS (Collège des Pharmaciens Conseillers et Maîtres de Stage) et la FNSIPBM (Fédération Nationale des Syndicats d’Internes en Pharmacie et Biologie Médicale).

Quelles sont, selon vous, les carences de la formation universitaire actuelle pour les pharmaciens ?

La principale carence me semble être le manque de pratique. Hormis la 5ème année hospitalo-universitaire, nous n’avons qu’un mois et demi de stage entre la première et la quatrième année.... Par ailleurs, peu d’universités proposent des cours sur les notions entrepreneuriales, gestion et management notamment, ce qui ne permet pas aux étudiants de se projeter dans le rôle d’un chef d’entreprise. Or devenir pharmacien titulaire consiste bien à gérer une petite entreprise ! Il me semble aussi que les étudiants devraient bénéficier d’une formation pratique sur l’aspect humain et relationnel. Pour pallier ce manque de formation, certains étudiants choisissent d’exercer leur première année en « compagnonnage » avec des rotations possibles permettant de se former sur tout le territoire dans des pharmacies au fonctionnement et à l’organisation très différentes.

Et la digitalisation dans tout cela ?

La transition Ségur du numérique nous oblige à être davantage connectés. Le dossier médical partagé est à la fois un gain de temps précieux et une opportunité intéressante d’interagir davantage avec les médecins. On sent que les mentalités changent avec une réelle motivation de travailler davantage en interprofessionnalité. Télémédecine, e-prescription, protection des données... En tant que profession carrefour, nous devons avancer et vite sur ce volet digital, afin d’optimiser nos interactions avec les autres professionnels, mais aussi avec les différentes structures susceptibles de nous solliciter, hôpitaux, Ehpad etc. À l’université, l’enseignement numérique, pourtant obligatoire depuis septembre 2024 est encore peu proposé mais tient à se développer de plus en plus en lien avec les élus étudiants.

Comment l'ANEPF travaille-t-elle sur les politiques de santé avec les décideurs et les institutionnels ? Quelles sont les réflexions en cours ?

Nous travaillons de façon très approfondie et fructueuse avec le parlement et le gouvernement. Nous agissons sur deux plans : un volet formation, sur la base des revendications des étudiants, qui nous permettent de porter les projets de changements. Et un volet plus professionnel sur l’évolution des missions, la financiarisation du système de santé, les projets de loi en cours, et les grands thèmes de société que sont la transition écologique, la santé environnementale et la prévention primaire notamment.

En début d’année nous avons été auditionnés sur le volet enseignement supérieur de la loi OTSS (ndlr : Organisation Territoriale de la Santé et de la Solidarité) et sur le volet professionnel avec les syndicats. Nous avons aussi été auditionnés par la commission des affaires sociales du Sénat sur la financiarisation du système de santé. On est très en lien avec l’Ordre et les différents syndicats officinaux, industriels et autres. Nous avons un objectif commun, celui de l’amélioration de la pharmacie et de la prise en charge des patients. Il est donc essentiel que nous arrivions à pousser une voix commune en proposant des réponses coordonnées sur les questions clés pour le secteur.

Quels sont les chantiers prioritaires de l’ANEPF à l’échelle nationale et européenne ?

Les élections européennes sont un sujet important du moment. Les programmes électoraux seront présentés en juin 2024. Pauline Lesueur, vice-présidente chargée des Affaires européennes à l’ANEPF travaille activement sur le sujet et nous espérons que les étudiants en pharmacie et toute la profession se mobiliseront pour voter aux européennes !

Autre sujet essentiel, la contribution sur la fin de vie :  l’ANEPF travaille avec les étudiants en pharmacie afin de construire des positions tournées vers la fin de vie. Nous faisons en sorte d’allier réflexions et vulgarisation auprès de nos étudiants afin de pouvoir réagir précisément à ces enjeux.

Nous travaillons également sur une contribution Stratégie nationale de santé (SNS). À quoi ressemblera le métier de pharmacien en 2033 ? Quels seront les enjeux de santé publique auxquels devra faire face notre profession ? Dans un premier temps, notre contribution comprendra un focus prévention primaire. Les autres parties abordées reprendront le fil naturel de la SNS. La rédaction est en cours.

La réforme du 3ème cycle est aussi un sujet central sur lequel nous avançons efficacement avec le gouvernement. Après les manifestations du 21 novembre 2023, et quelques roulements ministériels, nous avons pu prendre rendez-vous, en mars 2024 avec le Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités. Nous espérons que les premiers résultats concrets sortiront avant juillet 2024. Nous ferons en sorte que ce soit le cas !

Enfin, l’ANEPF a lancé en début d’année une enquête nationale visant à recueillir des informations sur les conditions de vie et d'études des étudiants en pharmacie. Les réponses à un questionnaire très fouillé de 30 minutes, seront analysées. Sortie prévue à la fin de l’année.

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