« La pharmacie devient une porte d’entrée naturelle vers le système de santé local »
Pharmacien titulaire à Montastruc-la-Conseillère (Haute-Garonne), Édouard Amalric a été un acteur clé de la création d’une Maison de Santé Pluriprofessionnelle sur sa commune. Interrogé par OnLib’Infos, il revient sur la genèse de ce projet, la dynamique qu’il a générée et l’évolution du rôle du pharmacien dans l’offre de soins locale.
Vous êtes à l’initiative de la création d’un Maison de santé à Montastruc. Comment est né ce projet ?
Les jeunes médecins recherchent aujourd’hui un exercice collectif, des locaux adaptés et une véritable qualité de vie professionnelle. La MSP répond précisément à ces attentes. Il y a sept ans, deux généralistes sont partis à la retraite en même temps. J’ai alors commencé à chercher des professionnels motivés pour relancer une dynamique locale, et les planètes se sont rapidement alignées. Céline Mauroux, médecin généraliste, avait déjà une grande motivation pour un tel projet et une expérience parfaitement adaptée. Son implication a été déterminante. Maître de stage des internes en médecine à Toulouse, elle connait bien leurs attentes et a pu repérer les profils motivés pour venir s’installer. Nous étions très complémentaires : elle apportait son expertise médicale et pédagogique, et moi une approche plus entrepreneuriale du montage du projet.
Quelle dynamique la création de la MSP a-t-elle générée sur le territoire ?
La MSP a ouvert il y a un peu plus d’un an et comptera, à partir de janvier 2026, quatre médecins généralistes, deux infirmières - dont une Azalée* - ainsi qu’une nutritionniste. En parallèle, les deux autres cabinets médicaux de Montastruc se sont rapidement rapprochés de la démarche, conscients que l’offre de soins évoluait très vite. Aujourd’hui, la MSP fédère ainsi les trois cabinets de la commune, soit quatre médecins généralistes au total, dans une véritable dynamique de coordination.
Au-delà de notre site, l’élan a gagné tout le territoire. Cette mobilisation est très concrète : lors de la dernière soirée de Noël organisée par la SISA, près de 50 professionnels de santé étaient réunis. Il y a trois ans, nous étions quatre ! C’est le reflet d’une véritable réussite collective.
Quel a été votre rôle dans la création de cette MSP ?
Mon implication s’est faite à deux niveaux. Au démarrage tout d’abord, avec l’appui d’Interfimo, j’ai pris en charge le volet économique et immobilier. Études financières, montage du financement, création de la SCI, choix des locaux… Ce sont des sujets éloignés du cœur de métier médical, mais indispensables pour faire émerger un projet de MSP dans de bonnes conditions. Ensuite, une fois la Maison créée, mon rôle a évolué vers celui de coordinateur de terrain. La pharmacie est ouverte du lundi au samedi de 9h à 20h, elle constitue un point de passage permanent pour les patients et souvent la première étape de leur parcours de soin. La pharmacie devient un véritable hub de santé de proximité. Je suis convaincu depuis toujours que la relation directe entre médecins et pharmaciens est nécessaire et doit s’installer sur le long terme. Nous réfléchissons actuellement au déploiement d’outils numériques qui faciliteraient encore cette coordination : accès partagé aux systèmes de rendez-vous, échanges sécurisés d’informations, orientation des patients, etc.
Comment s’organise la gestion de la MSP au quotidien ?
La MSP est vraiment pensée comme un micro-territoire de santé.
Nous nous réunissons régulièrement, parfois chaque mois, parfois de façon trimestrielle selon l’activité, mais la connexion est permanente car nous avons la chance de travailler à proximité les uns des autres. C’est d’ailleurs ce qui change tout ! On ne travaille plus en solo. Médecins, infirmiers, pharmaciens, on se connaît, on échange, et nous mesurons tous l’effet vertueux de de cette coordination. À travers la CISA, nous développons des actions communes autour de thématiques prioritaires afin de sensibiliser tous les acteurs et leur donner le même niveau d’information. Par exemple les campagnes de vaccination, tout est organisé de façon coordonnée. Chaque professionnel informe ses patients et la pharmacie centralise la gestion des flux. Autre illustration avec l’accompagnement de l’obésité : les patients sont orientés vers la nutritionniste avec un message cohérent, partagé par l’ensemble de l’équipe. L’objectif est toujours le même : assurer une prise en charge globale, fluide et collégiale des patients, avec des messages homogènes et une véritable continuité de soins.
Le métier de pharmacien a beaucoup évolué ces dernières années…
La crise Covid a été un révélateur : nous avons démontré que nous étions pleinement capables d’assumer pleinement des missions de santé publique et la coordination avec les médecins s’est considérablement renforcée. C’est une véritable révolution. Avec l’élargissement du calendrier vaccinal, la pratique des TROD angine**, les actions de prévention, le pharmacien est devenu un acteur de santé à part entière, loin de l’étiquette commerciale qui nous collait à la peau...
La pharmacie devient une porte d’entrée naturelle vers le système de santé local.
Dans ma pharmacie, j’ai quatre adjoints et une équipe de préparateurs très investie, tous engagés dans cette dynamique médicale.
Comment imaginez-vous l’évolution de la MSP de Montastruc ?
Plus nous serons nombreux, mieux ce sera ! Pour l’instant, nous travaillons beaucoup sur des thématiques généralistes à fort impact local : prévention, vaccination, éducation thérapeutique. À moyen terme, l’arrivée de spécialistes serait évidemment un plus. En attendant, nous essayons d’anticiper... Céline Mauroux rencontre régulièrement les internes, organise des temps d’enseignement et suscite des vocations à l’installation. Nous nous projetons déjà très concretement puisque la SCI vient de racheter le terrain attenant, avec un projet d’extension des locaux qui pourraient accueillir de nouveaux professionnels.
Le mot de la fin ?
L’effet boule de neige... C’est véritablement ce que je ressens depuis quelques années. Le pharmacien a gagné en visibilité, en légitimité et en responsabilité. La Maison de santé pluriprofessionnelle incarne parfaitement cette évolution : un travail collectif, au service d’un territoire et de ses habitants. Tout récemment, je me suis également investi dans une nouvelle mission avec la PDA (Préparation des Doses à Administrer) pour EHPAD voisin. J’ai investi dans un robot pour fabriquer des piluliers quotidiennement pour 80 lits. Tout s’enchaine, une évolution en entraine une autre.... Dans notre secteur semi-rural, aux portes de Toulouse, nous avons la chance de rester attractifs : recruter n’est pas une difficulté, et les jeunes générations sont clairement volontaires pour ce nouveau modèle d’exercice coordonné de la santé.
*ndlr : l’infirmière Azalée est spécifiquement formée pour intervenir, dans le cadre d’un protocole autorisé par l’ARS, auprès de patients atteints de maladies chroniques.
**TROD angine : test rapide d’orientation diagnostique permettant de distinguer une angine bactérienne d’une angine virale.