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Devenir associé sans apport : l’association en industrie, mode d’emploi

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Devenir associé sans apport : l’association en industrie, mode d’emploi
Devenir associé sans apport : l’association en industrie, mode d’emploi

Dans un contexte où les cabinets d’avocats doivent sans cesse s’adapter pour attirer, fidéliser et faire évoluer leurs talents, l’association en industrie s’impose comme une alternative innovante et flexible au modèle classique d’association en capital.
De plus en plus de structures s’orientent vers ce dispositif permettant d’intégrer progressivement un collaborateur ou un avocat latéral au sein de leur cabinet « sans mise au pot » au départ et sans fiscalité en cas de sortie.
OnLib’Infos fait le point avec Valérie Bouchez et Orane Minjollet, avocates associées au sein du cabinet Librato Avocats, sur cette période possible de « fiançailles », encore peu connue dans la profession.

Une solution adaptée aux parcours associatifs progressifs

L’association en industrie permet à un avocat d’intégrer un cabinet avec attribution de parts ou d’actions dites "en industrie" (en ce sens, article 1832 du Code civil).

Loin de l’approche classique fondée sur un apport numéraire (cash) ou apport en nature (apport du fonds libéral par exemple), ce régime reconnaît l’apport de travail, de compétences ou de clientèle personnelle de l’associé en industrie.

Cette période de « fiançailles » s’adresse principalement :

  • Aux collaborateurs à fort potentiel que le cabinet souhaite fidéliser sans leur imposer immédiatement une charge financière ;
  • Aux latéraux (associés extérieurs) apportant leur propre clientèle, pour lesquels une période de test avant l’entrée en capital peut être préconisée.

L’objectif est de créer une période d’intégration progressive, généralement de deux à trois ans, au terme de laquelle l’associé en industrie peut accéder à une association en capital ou quitter la structure, sans conséquence patrimoniale.

Ce schéma permet ainsi d’offrir une certaine souplesse, tant pour le cabinet que pour les associés latéraux ou collaborateurs, et ainsi de mettre fin à l'association sans lourdeur juridique et fiscale (principe du « droit à l’erreur »).

Un cadre juridique et statutaire spécifique

Le fondement légal

Chez les avocats, l’association en industrie est permise dans les Sociétés civiles professionnelles (SCP), article 11 et article 12 du décret n° 2024-872 du 14 août 2024 relatif à l'exercice en société de la profession d'avocat, et les Sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) et par actions simplifiées (SELAS), par renvoi de l’article 40 de l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 aux dispositions du livre II du Code de commerce (article L227-1 pour les SELAS/SAS et article L.223-7 pour les SELARL/SARL).

Elle n’est cependant pas possible en Société d’exercice libéral à forme anonyme (SELAFA), article L225-3 du Code de commerce, ou dans une Association d’avocats à responsabilité professionnelle individuelle (AARPI), cette structure, fondée sur un contrat d’association et non sur une personne morale, n’admettant pas l’apport en industrie dans la mesure où il n’existe pas de capital social à partager.

Droits de l’associé en industrie

Les parts d’industrie ne concourent pas à la formation du capital social, article 1843-2 du Code civil « Les apports en industrie ne concourent pas à la formation du capital social mais donnent lieu à l'attribution de parts ouvrant droit au partage des bénéfices et de l'actif net, à charge de contribuer aux pertes. », et sont par nature incessibles et intransmissibles.

Toutefois, à l’instar de l’associé en capital, l’associé en industrie participe et vote aux assemblées générales, il a droit aux dividendes servis par la société. Il dispose ainsi de l’ensemble des prérogatives reconnues à tout associé (droit de communication des documents sociaux et comptables de la société notamment). 
L’associé en industrie peut être nommé gérant ou dirigeant et participer aux décisions stratégiques.

Enfin, comme tout associé, il contribue également aux pertes de la société à proportion de sa participation, calculée en fonction du nombre de parts d’industrie qu’il détient par rapport au nombre total de parts, qu’elles soient en capital ou en industrie.

Obligations de l’associé en industrie

En contrepartie des droits qui lui sont reconnus, l’associé en industrie est tenu au respect du principe d’unicité d’exercice sauf pluri-exercice autorisé d’un commun accord entre associés et validé par l’Ordre des avocats compétent.

Devenu associé en industrie, il exerce donc exclusivement pour le cabinet et les dossiers issus de sa clientèle personnelle ou de son réseau sont intégrés et facturés par le cabinet.

Formalisation juridique

La création et l’attribution de parts d’industrie est décidée par lors d’assemblée générale extraordinaire de la société et les droits attachés et le nombre de parts d’industrie attribués à chaque associé en industrie doivent être mentionnés dans les statuts.

Il convient également de prévoir, dans les statuts, les modalités d’entrée d’un associé en industrie et l’organisation des décisions collectives en conséquence.

Outre les clauses statutaires, nous recommandons fortement, pour sécuriser une association en industrie, de rédiger un contrat d’association en industrie qui sera conclu entre l’associé en industrie et le cabinet.

Ce contrat doit notamment préciser :

  • Les missions confiées à l’associé (production, développement, réseaux, management, gestion etc.) ;
  • Les attentes vis-à-vis de l’associé et ses objectifs (chiffre d’affaires apportées et facturées, types de dossiers, montée en compétences) ;
  • La durée de l’association, les modalités de sortie et les sanctions en cas de non-performance ;
  • La valorisation des titres de la société qui sera appliquée lors de l’association en capital de l’associé en industrie ;
  • La rémunération fixe et/ou variable attribuée à l’associé.

Rémunération et fiscalité de l’association en industrie

Rémunération

Généralement fixée dans le contrat d’association, la rémunération de l’associé en industrie n’est pas liée au nombre de parts d’industrie qui lui seront attribuées. Elle est fixée au début de l’association, d’un commun accord.

Celle-ci peut être fixe et variable ou assortie de primes indexées sur l’atteinte d’objectifs prédéfinis. Une évolution annuelle peut être prévue, en fonction de critères de la performance en matière de production, de la capacité d’apport de clientèle ou du degré d’implication dans la gestion et le développement du cabinet.
Outre cette rémunération, le cabinet peut décider de prendre en charge les cotisations sociales professionnelles obligatoires et/ou facultatives de l’associé et lui attribuer une enveloppe de frais professionnels.

Pour l’associé en industrie, cette rémunération est imposée au titre des bénéfices non commerciaux (BNC). Il conserve par ailleurs le statut social de travailleur non salarié.

Conformément au régime juridique applicable aux sociétés d’exercice professionnel, cette rémunération ne donne pas lieu à l’établissement de factures, n’est pas soumise à la TVA et constitue, pour la société, une charge d’exploitation.

Fiscalité de l’apport

L’attribution de parts d’industrie n’entraîne, en principe, aucun flux financier ni incidence fiscale particulière, que ce soit pour la société ou pour l’associé. Ces parts sont créées gratuitement et peuvent être annulées sans contrepartie financière ni frais.

Il n’y a donc aucune conséquence financière ou fiscale à l’entrée ou à la sortie d’un associé en industrie.

Une sortie encadrée ou une transition vers une association en capital

À l’issue de la période d’association en industrie, plusieurs options s’offrent à l’associé :

  • Une intégration au capital, par cession de titres, augmentation de capital ou apport en nature de son fonds libéral ;
  • Une sortie amiable, avec ou sans reprise de clientèle personnelle.

Dans le cas d’un passage au capital, la valorisation des titres est une question centrale. Deux approches existent :

  • La patrimonialisation, qui prend en compte la valeur du fonds libéral et du droit de présentation ;
  • La dépatrimonialisation, qui valorise la société sur la base de son actif net sans inclure le fonds libéral. Cette option facilite l’entrée des jeunes associés et évite de faire « payer deux fois » les collaborateurs qui ont contribué à la création de valeur.

En résumé ?

L’association en industrie offre aux cabinets d’avocats une voie d’association progressive, souple et réversible, bien adaptée aux enjeux actuels de fidélisation, de développement de clientèle et de renouvellement générationnel.

Pour le cabinet, c’est une manière de sécuriser l’engagement et de s’assurer de la comptabilité et de la rentabilité d’un futur associé avant de lui ouvrir l’accès au capital.

Pour les collaborateurs, il s’agit d’une opportunité concrète de projection à moyen terme.

Encore faut-il que cette association soit clairement encadrée, statutairement bien intégrée, et assortie d’une véritable stratégie d’accompagnement.

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