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Commissaires de justice : « Nous avons gagné la bataille dans les esprits, il faut maintenant qu’elle se concrétise sur le terrain. »

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Commissaires de justice : « Nous avons gagné la bataille dans les esprits, il faut maintenant qu’elle se concrétise sur le terrain. »
Commissaires de justice : « Nous avons gagné la bataille dans les esprits, il faut maintenant qu’elle se concrétise sur le terrain. »

Il y a tout juste an, le rapprochement des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires donnait naissance à une nouvelle profession, les commissaires de justice. Mise en place de la synergie, liberté d’installation, attractivité de la profession... Benoît Santoire, président de la Chambre Nationale des Commissaires de Justice (CNCJ), revient, pour Onlib’Infos, sur ses objectifs prioritaires et sur sa volonté de bâtir une image moderne et dynamique correspondant à la réalité du métier.

Un an après l'entrée en vigueur de la réforme, la synergie entre les anciens huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires est-elle en bonne voie ? Les professions vous semblent-elle saisir les opportunités de la fusion ?

Benoît Santoire : « Je pense ici spontanément à la première promotion des nouveaux diplômés qui, eux, ne se posent pas ce genre de question ! Ces jeunes ne sont ni "ancien" ni "ex" de quelque profession que ce soit, ils sont pleinement commissaires de justice. Il en va de même pour beaucoup d’entre nous qui ont compris l’opportunité de cette addition des compétences sans forcément renier leurs spécificités, ce n’est pas incompatible. Mais il serait vain de nier que certains souhaitent continuer leur chemin sans s’intéresser à l’autre pan entier de cette nouvelle profession. Le plus important est de faire partie de cette maison commune, à l’intérieur de laquelle et comme dans beaucoup de professions, tout le monde n’exerce pas la totalité de la palette des activités à disposition. Concrètement, des rapprochements entre offices d’anciens huissiers de Justices et commissaires-priseurs judiciaires sont déjà initiés. Nul doute que cette tendance s’accentuera dans les années à venir, même si dans ce registre on constate que l’interprofessionnalité ne s’est pas développée autant qu’on aurait pu le penser. Nous avons gagné la bataille dans les esprits, il faut maintenant qu’elle se concrétise sur le terrain. Et si opportunités il y a, je ne suis pas inquiet, les professionnels sauront s’en saisir car cette nouvelle profession est dynamique et sait aller de l’avant ».

Comment se passent les formations passerelles et quelles sont les difficultés que vous constatez encore aujourd'hui ?

B.-S : « Les formations passerelles sont presque de l’histoire ancienne. Tous les professionnels en exercice ont massivement, et très tôt, suivi ces formations. D’ailleurs, et comme je le disais précédemment, la première promotion des nouveaux diplômés commissaire de justice, a relégué cette formation passerelle au rang du Passé. Bien entendu, certains professionnels qui seront partis à la retraite ou qui auront quitté la profession à la date du "couperet" de 2026 n’ont pas jugé utile de suivre cette formation, ce qui est compréhensible. »

Crise sanitaire et incertitudes économiques : à quel point le contexte de ces trois dernières années a-t-il fragilisé la profession et quelles sont les perspectives dans un avenir proche ?

B.-S : « Ces trois dernières années ont en effet particulièrement affecté notre profession sur le plan économique. Certains - trop - d’offices ont été très impactés, d’autres ont traversé cette période avec moins d’encombre. La Chambre nationale a mis en œuvre tout ce qui était en son pouvoir pour accompagner tous les offices, jusqu’à la création d’une cellule d’accompagnement qui peut aider les confrères au cas par cas à faire face à leurs difficultés.
Néanmoins, ce n’est pas la profession à proprement parler qui serait fragilisée, car cette baisse d’activité s’explique par des raisons objectives, et notamment l’absence totale de recouvrement judiciaire des cotisations sociales ou des bailleurs sociaux. Ces décisions, que l’on peut comprendre en tant que citoyen, nous ont lourdement impactés car elles ont la caractéristique d’avoir duré pendant trois ans, contrairement à la majorité des mesures étatiques qui étaient beaucoup plus ponctuelles.
Mais la profession est bien toujours là, et on doit aussi souligner la capacité de nombreux consoeurs et confrères à se réinventer, à aller chercher de la matière qu’elle avait peut-être négligée. Elle a démontré sa capacité de résilience et d’adaptabilité à une situation totalement inédite.

L’Autorité de la concurrence vient de rendre son avis sur la liberté d’installation des commissaires de justice. Est-il viable aujourd'hui d'ouvrir davantage la libre installation ?

B.-S : « L’Avis rendu par l’Autorité de la concurrence est mesuré, nous avons été entendus sur les difficultés que nous venons d’évoquer. Bien entendu, toutes les créations sont toujours "en trop", mais nous avons aussi conscience que l’Autorité doit obéir à la feuille de route de la loi Macron, et qu’elle ne peut pas malheureusement prendre en compte toutes les spécificités locales.
À présent, nous allons œuvrer pour justement faire état de particularités de certains départements, spécificités tenant souvent à la structuration des offices présents et non à un manque d’offre sur ces territoires. En cela, il est en effet anachronique sur un plan économique de continuer à créer des offices là où un certain nombre sont déjà en difficulté, et surtout là où la saine concurrence est déjà largement présente. Notre maillage territorial a toujours été un point fort, en lien avec notre rôle de juriste de proximité et de seul professionnel du droit à se déplacer sur le terrain. Nous travaillons à une régulation maîtrisée qui combine proximité et accessibilité pour nos clients, respect de la concurrence et conditions de travail justes pour tous nos confrères et consœurs. »

Comment présenteriez-vous les atouts du métier de commissaire de justice à un jeune ? En d'autres termes, quelle est l'identité de cette nouvelle profession ?

B.-S : « L’attractivité de la profession est un sujet de préoccupation majeur du Bureau en fonction depuis juillet 2022. La profession souffre d’un important déficit de notoriété tenant à la fois à la jeunesse de sa création et à la méconnaissance de ses missions par le grand public comme de beaucoup d’entreprises. Je souhaite bâtir une image moderne et dynamique qui correspond à la réalité de notre métier. En effet, il faut sortir des clichés, souvent erronés (par exemple on cite encore à notre actif le constat d’adultère, or nous n’en faisons plus depuis plusieurs années), pour mettre en avant ce qu’est le quotidien du professionnel. Ce quotidien a la caractéristique d’être très varié, passer du constat à un inventaire avec prisée, c’est tout sauf répétitif. Il s’exerce souvent à l’extérieur, ce qui empêche toute monotonie. Il est basé sur le relationnel, ce qui est particulièrement enrichissant. Sur ce dernier point, il faut aussi éviter de penser que nous ne rencontrons que des personnes en difficultés économiques, ce qui reste une réalité, mais notre action consiste aussi à éviter que d’autres connaissent justement de telles difficultés. Nous avons la chance d’exercer un métier dont nous pouvons mesurer très concrètement l’effectivité de nos missions.
S’agissant de l’identité de cette nouvelle profession nous souhaitons l’axer sur notre principal atout, notre qualité d’Officier public et ministériel. Notre déontologie forte doit être un atout et non un handicap. Lorsque nous intervenons dans le domaine concurrentiel, au milieu parfois d’une concurrence débridée, notre statut apporte la sécurité juridique qu’attendent de plus en plus les consommateurs. »

La première promotion du nouvel Institut national des commissaires de justice (INCJ) a été diplômée en juin dernier. Cette formation initiale attire-t-elle les candidats et comment travaillez-vous sur son évolution ? 
 
B.-S : « En effet, la première promotion de jeunes commissaires de justice entièrement formée sous l’empire de la nouvelle profession a été diplômée en juin dernier, ouvrant la voie à une nouvelle génération de professionnels. Nous voulons aller plus loin en renforçant notre formation pour attirer plus de jeunes, en les identifiant plus tôt durant leur cursus de droit, en développant les stages pratiques de découverte de notre métier dont les facettes sont nombreuses, en développant le mentorat dans les universités. Il en va de même pour nos collaborateurs qui contribuent de façon décisive à notre excellence et pour lesquels je tiens à ce que la formation délivrée applique les mêmes critères d’exigence. Pour cela, dès la rentrée nous allons lancer une campagne de communication à destination des étudiants, des lycéens, voire des collégiens, au travers des réseaux sociaux et plus particulièrement celui de Tik Tok. »

Quels sont les sujets prioritaires de la Chambre nationale en 2023 ?

B.-S : « Durant le second semestre 2023, nous allons essayer de récolter les fruits des efforts déjà déployés depuis notre arrivée, sur des chantiers qui ont été priorisés par le nouveau Bureau : la réforme de la saisie des rémunérations, l’augmentation du tarif pénal et l’entremise immobilière, pour ne citer que ces trois. Concernant les deux derniers, après avoir convaincu notre autorité de tutelle de leur nécessaire rééquilibrage, nous attendons maintenant un arbitrage interministériel. Pour la saisie des rémunérations, nous avons, grâce à notre travail de persuasion et d’explication, réussit à franchir un certain nombre d’obstacles. Nous devons cependant continuer et accentuer ce travail de pédagogie auprès des parlementaires pour obtenir sur ce sujet une réforme qui est en réalité de simple bon sens.
Dès la rentrée, nous lancerons de nouveaux chantiers, toujours avec la même méthode, celle de la concertation avec la DACS *».

*ndlr : Direction des affaires civiles et du Sceau

 

La Chambre nationale des commissaires de justice

En bref

La Chambre nationale des commissaires de justice, instance ordinale et représentative de la nouvelle profession, compte 47 délégués nationaux :
35 ont été élus au sein des communautés professionnelles d'huissiers de justice du ressort de chaque cours d’appel (2 pour Paris), et 12 au sein des Compagnies régionales de commissaires-priseurs judiciaires.
La Chambre nationale est présidée par un bureau de 11 membres, élus par leur pairs.

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