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Biologistes : les oubliés du parcours de soin

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Biologistes : les oubliés du parcours de soin
Biologistes : les oubliés du parcours de soin

Sous les feux de la rampe durant toute la crise sanitaire, la profession de biologiste médical n’existe pourtant toujours pas, en tant que telle, dans le Code de la santé publique. Mi-médecin, mi-pharmacien, le biologiste traverse aujourd’hui une crise identitaire profonde.
Le docteur François Blanchecotte, président national du Syndicat des biologistes (SDBIO) et vice-président des Libéraux de Santé (LDS)*, nous livre ses ambitions et son combat pour une profession qui peine à faire reconnaître son rôle, pourtant essentiel, dans le parcours de soin.

Quelle est la principale revendication des biologistes aujourd’hui ?

« ll est absolument impératif de reconnaître l'importance de notre profession médicale et de nous accorder une place légitime au sein du parcours de soins, à l’instar des pharmaciens ou les médecins. La question de l’intégration du biologiste médical dans la chaîne de soin ne devrait plus se poser. Or, rappelons que dans le Code de la santé publique, nous ne figurons pas dans le chapitre 4 sur les professions médicales. Résultat : nous sommes les oubliés du parcours de soin. Nous l’avons pris de plein fouet en février 2020 avec la parution des arrêtés et décrets dans lesquels les biologistes n’étaient pas mentionnés. Malgré nos requêtes pour une intégration au chapitre dédié aux professions médicales, le gouvernement a répondu par une fin de non-recevoir. »

Vous avez pourtant été au cœur de l’action durant toute la crise Covid ?

« Oui et les biologistes libéraux ont démontré pendant toute cette période une force de travail incroyable. Mais aujourd’hui, nous n’existons plus dans le paysage de santé... La plupart des gens ignorent les attributions et les responsabilités d'un biologiste et son rôle, pourtant essentiel dans la prise en charge des patients. Ils ignorent aussi que notre expertise est parfois la seule à pouvoir détecter certaines maladies comme, par exemple, la défaillance rénale chronique. En mettant en place des programmes de prévention appropriés, nous pourrions non seulement améliorer la qualité de vie des patients, mais également réduire significativement les coûts de traitement. Je pose donc la question au gouvernement : à quoi souhaitez-vous que l’on serve ? Quelle utilité souhaitez-vous nous accorder dans le système de santé actuel ? Il ne s’agit pas seulement de nous, mais aussi de permettre une meilleure coordination des acteurs santé autour du diagnostic et de la prévention. »

Alors justement, en vue d’assoir cette reconnaissance, le Syndicat des biologistes travaille-t-il avec d'autres organisations ou professionnels de la santé ?

Nous avons créé des intersyndicales comme les Libéraux de Santé, regroupement de 10 syndicats de médicaux et de paramédicaux qui défendent les valeurs de l’exercice libéral et permettent une réflexion collective sur des sujets très concrets. Ensemble, nous avons mis en place l’ESCAP, une organisation de prise en charge des patients âgés et dépendants, dans le cadre de la coordination des équipes de soins autour du patient. L’assurance maladie a accepté le principe de généralisation de l’équipe de soins coordonnés avec le patient sur toute la France. Nous en attendons maintenant le financement...

Par ailleurs, afin d’avancer sur le sujet de la reconnaissance de notre profession, nous travaillons depuis des années avec l’Ordre des pharmaciens et l’Ordre des médecins sur une définition des missions des biologistes médicaux. En mai 2023, nous avons entériné un document-cadre consignant noir sur blanc les 20 missions définies. C’est un premier pas important mais il faut désormais que ces missions soient reconnues au niveau politique et règlementaire.

Enfin, depuis le 1er janvier 2024 tous les biologistes vont devoir choisir entre BNC et salarié. Au sein de l’UNAPL et en tant vice-président délégué santé, j’ai animé un groupe de travail sur la financiarisation de la profession et l’indépendance du biologiste libéral. Le sujet est en cours de traitement mais devrait aboutir, début février, à définir les contours de ce que doit être une profession libérale indépendante, sujet à la fois essentiel mais complexe dû en particulier à la diversité de nos professions.

Vous parlez d’un déficit majeur de biologistes dans les 5 années à venir. Quelles sont les initiatives visant à encourager les jeunes à rejoindre la profession ?

La profession a aujourd’hui de nombreux attraits d’un point de vue scientifique et technologique. On va vers la génétique, vers la biologie prédictive, on utilise l’IA pour avoir des algorithmes de diagnostic et d’efficacité avec vos données réelles. Mais la biologie est une spécialité trop mal connue des étudiants ce qui nous inquiète beaucoup au vu des nombreux départs à la retraite programmés qui annoncent un déficit majeur de biologistes. Nous devons impérativement travailler sur l’attractivité du métier dès le début des études de médecine. Nous avons notamment proposé qu’un stage en laboratoire puisse être effectué dès la 4è année de médecine ou de pharmacie. On essaie aussi d’organiser des réunions avec les internes dans tous les territoires en offrant la possibilité d’effectuer des stages de 6 mois dès la fin de l’internat. Nous travaillons aussi sur des solutions d’aide au financement de l’installation des jeunes dans nos métiers comme le financement par Interfimo de leurs études jusqu’à 75 K€, pour l’achat de parts de SEL jusqu’à 375 K€ et un fonds de financement pour le rachat de cabinet.

En novembre dernier, lors des Journées de l’Innovation en Biologie (JIB), Aurélien Rousseau, alors ministre de la Santé et de la Prévention, avait annoncé la création d'une mission sur l'avenir de la biologie médicale. Où en est cette mission aujourd’hui ?

L'objectif principal de cette mission, prévue pour débuter en janvier, était de conforter le rôle central de la profession de biologiste médical. Comme beaucoup de professions de santé, on attend de voir s’il y aura un ministre délégué ou secrétaire d’État, il va de soi que nous espérons bien que la mission restera une priorité du ministère.

Le profil des biologistes dans les autres pays d’Europe est-il le même qu’en France ?

Nous sommes anachroniques dans le paysage européen. La biologie à la française est une spécialité médicale. Dans la plupart des pays européens, la formation est très disparate tant sur le fond que sur la durée des études. En Allemagne, la profession est peu pratiquée (moins de 1 000 médecins biologistes pour 85 millions habitants) ; en Espagne, il y a plusieurs niveaux de biologistes (bacs + 10 ou 5 ou 6) ; en Italie, ce sont des scientifiques de même qu’en Europe du Nord. Dans le cadre de la directive européenne 2013/55/CE (reconnaissance des qualifications professionnelles), les libéraux ont réussi à faire imposer un alignement par le haut et le niveau commun des diplômes européens de biologie médicale (Specialist in Laboratory Medicine) a été est maintenu à Bac +10.

En tant que président du syndicat des biologistes, quels sont vos objectifs clés des deux prochaines années ?

Vous l’aurez compris, mon sujet essentiel est que notre profession puisse être considérée comme une profession médicale à part entière et que de nouvelles missions puissent être confiées aux biologistes comme cela a été fait pour d’autres professionnels de santé. J’aimerais pouvoir transmettre à mes successeurs cette reconnaissance du rôle essentiel de la biologie médicale dans le parcours de soins auprès du patient.
Le SDBIO a proposé huit domaines d’évolution possible du rôle du biologiste dont le déploiement de la vaccination, l’élargissement du dépistage du VIH par les laboratoires, les actes de diagnostic et, en particulier les actes de prévention. En France, on vit vieux mais en mauvaise santé. Il est donc essentiel de mieux exploiter les données produites par les laboratoires et de miser davantage sur la détection précoce de certaines maladies très graves et très couteuses. Mais pour cela, il faut accepter le fait que les effets bénéfiques ne seront visibles que dans 10 ans ou 15 ans, quand, grâce à une prévention active, il y aura moins de diabétiques, moins de greffe, moins de dialyses, et donc moins de dépenses pour tout le monde ! C’est un investissement pour le capital humain.

*Le docteur Blanchecotte est également vice-président délégué santé de l’UNAPL, vice-président de l’UNPS et membre du conseil national de l’U2P.

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