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Vétérinaires : comment pallier les difficultés de recrutement ?

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Vétérinaires : comment pallier les difficultés de recrutement ?
Vétérinaires : comment pallier les difficultés de recrutement ?

Le secteur vétérinaire est aujourd’hui confronté au paradoxe entre un marché attractif et dynamique et une pénurie de vétérinaires. Faible nombre de diplômés, fort taux d’abandon en début d’exercice, conditions de travail difficiles… Autant de problématiques que les structures doivent résoudre en s’adaptant aux nouvelles aspirations générationnelles des futurs vétérinaires libéraux.

Avec une croissance annuelle du chiffre d’affaires de 8 à 12 %, le marché des animaux de compagnie ne s’est jamais aussi bien porté. Les Français ont à la fois plus d’animaux domestiques et dépensent plus pour les soigner. Toutefois le nombre de places disponibles en écoles vétérinaires n’a pas été augmenté de manière suffisante pour répondre à la demande, ce qui, conjugué à la baisse du nombre d’heures effectuées par les professionnels installés mène à d’importantes tensions sur le marché du recrutement. Selon l’Atlas démographique de la profession, la France comptait, en 2020, 19 350 vétérinaires inscrits à l’Ordre national, soit 3,7 % de plus que l’année précédente. Parmi ceux-ci, près de 61 % exercent comme professionnels libéraux. Pour Rémi Gellé, vétérinaire associé gérant au sein du réseau VPLUS, il manquerait ainsi 150 à 200 professionnels par an pour répondre à la demande.

Une profession toujours difficile d’accès

Être vétérinaire fait partie depuis toujours du top 3 des métiers rêvés par les enfants, un rêve pas toujours facile à réaliser. En effet, la voie royale pour réussir le concours d’accès aux 4 écoles vétérinaires de France a longtemps été celle de la classe prépa. Face à l’implacabilité du numerus clausus, un grand nombre d’aspirants vétérinaires partent à l’étranger pour se former, notamment en Roumanie, en Espagne et en Italie, où ils peuvent suivre un cursus entièrement en français en échange de quelques dizaines de milliers d’euros. En 2020, plus de la moitié des nouveaux diplômés inscrits à l’Ordre avaient ainsi été formés dans les autres pays de l’UE. Ces écoles, accréditées ou non au niveau européen, délivrent des diplômes reconnus par les États membres.

Depuis 2021, une nouvelle voie s’est ouverte pour les jeunes bacheliers avec 40 places par école ouvertes pour des jeunes sélectionnés sur dossier et entretiens. Pour Laurent Perrin, Président du Syndicat National des Vétérinaires d’Exercice Libéral (SNVEL), ce recrutement sur des savoir-être plutôt que des savoir-faire permettra une « ouverture à des profils en termes de sociologie et d’origine vraiment différents de ceux recrutés par la prépa et concours classique. ».

Malgré l’augmentation de 35 % des places au concours depuis 8 ans, le déficit de professionnels conjugué à un marché en forte croissance provoque d’importantes difficultés de recrutement. Face à cette situation, le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation a dévoilé fin 2021 un plan de développement et de soutien aux écoles nationales vétérinaires d’Alfort, Lyon, Nantes et Toulouse. Ce plan sur 10 ans prévoit ainsi de porter la capacité des écoles à 3 500 étudiants et de recruter à terme 180 enseignants supplémentaires.

Aux écoles publiques viendra s’ajouter cette année l’école privée UniLasalle de Rouen qui prévoit de former des promotions de 120 étudiants sur 6 ans. L’accès se fera directement post-bac et sans concours. Cette école a reçu l’accréditation de l’État, malgré l’avis négatif de l’ensemble des organisations professionnelles vétérinaires sur son actuel cahier des charges.

Un métier idéalisé qui se heurte à la réalité du terrain

La pénurie de professionnels n’est pas uniquement liée au faible nombre de diplômés sortant des écoles mais également aux difficultés mêmes de l’exercice.

Selon les études, jusqu’à 20 % des diplômés n’exercent jamais en clientèle. Si certains, par choix, s’orientent vers d’autres voies comme la recherche, l’industrie agro-alimentaire, ils sont nombreux à s’apercevoir au fil de leurs stages que le métier ne correspond pas à leurs attentes. Selon Laurent Perrin, « il y a une vision du métier un peu idéalisée. Au démarrage de la vie active, se retrouver d’un coup en face des problématiques du client, casse le mythe. Il est impératif d’augmenter le volume de stages, de leur donner un avant-goût du terrain. ».

Pour Rémi Gellé, « c’est un métier passion avec une composante psychologique très forte. Il faut avoir de l’empathie vis-à-vis du client, du bien-être de l’animal. Or il n’y a pas de formation dans les écoles sur comment annoncer des maladies graves par exemple. Cela peut également être compliqué quand il faut réclamer des honoraires ou que les gens refusent les soins faute de moyens. ».

En plus de ceux qui ne démarrent jamais, au moins 15 % des vétérinaires décrochent de la profession au bout de cinq ou dix ans d’exercice. Pour Chantal Legrand, maître de conférences associée en management, marketing et gestion à l’École Vétérinaire d’Alfort, cela tient également « à des facteurs sociétaux et générationnels, comme dans les autres professions. Les jeunes n’ont plus envie d’une carrière linéaire. ».

Entre la recherche d’équilibre vie privée/vie professionnelle et l’objectif de rentabilité

Les jeunes générations recherchent avant tout un équilibre vie privée-vie professionnelle qu’il peut être difficile d’atteindre lorsqu’il faut faire des gardes ou des journées à rallonge du fait du manque de professionnels. « Dans leur majorité, les jeunes sont allergiques aux astreintes » affirme Rémi Gellé : « pour recruter il faut dire dans l’annonce que la rémunération est de 15 à 20 % supérieure à la convention collective et qu’il n’y a pas d’astreinte ».
Pour Laurent Perrin, il est impératif que « les structures s’adaptent à une demande générationnelle qui sera différente car il est aujourd’hui inacceptable de travailler 315 jours par an comme nous le faisions. Pour deux confrères de ma génération, il va en falloir trois. C’est tout à fait possible de le faire en surdimensionnant le personnel et en permettant ainsi à chacun de gagner du temps libre ».

Les problèmes de recrutement sont particulièrement importants pour les vétérinaires installés en zone rurale. Pour Laurent Perrin, on assiste « à une stagnation du marché due au recul de la population animale, notamment bovine, et un marché tendu du fait des difficultés économiques des partenaires agricoles. Si sur certains secteurs où les produits agricoles sont bien rémunérés, comme les AOC, l’activité vétérinaire en profite, sur d’autres secteurs comme celui du lait UHT en brique, on est sur des tarifs un peu courts. ».

Outre l’activité à proprement parler, le milieu rural attire peu, problématique que l’on retrouve au niveau des médecins. L’État tente de remédier à ce problème, via l’instauration d’un stage en tutorat de 18 semaines dans les cabinets en zone rurale, l’autorisation à titre expérimental de la télémédecine vétérinaire, la réalisation de diagnostics territoriaux ou encore l’autorisation accordée par la loi DDADDUE aux collectivités territoriales de voter des incitations financières pour étudiants et vétérinaires. La première convention issue de cette loi a été votée par le département de la Corrèze qui a lancé récemment un plan sur cinq ans doté d’1,5 million d’euros : aide à l’installation de 20 000 €, aides au transport et au logement durant les stages, bourse mensuelle de près de 1 000 € pour ceux décidant d’opter pour la filière animaux de production, plateforme téléphonique de régulation des appels d’urgence… Ces aides seront attribuées en échange d’un engagement à vivre pendant 5 ans en Corrèze.

Être vétérinaire et entrepreneur

Davantage former au management, pour apprendre aux jeunes vétérinaires à concilier leur cœur de métier avec la gestion de leur structure. La solution se trouve peut-être ici. « Le changement est réel aujourd’hui et les formations en management, marketing, RH, communication sont désormais requises dans le référentiel des compétences du système d’accréditation des écoles vétérinaires », affirme Chantal Legrand qui a exercé.

Le modèle du métier sacerdoce ne semble plus reproductible. Savoir concevoir les meilleures offres pour ses clients et prodiguer les meilleurs soins aux animaux sont reconnus aujourd’hui comme deux aspects complémentaires de la profession. 
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