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Il faut donner à la médecine libérale française les moyens de ses ambitions

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Il faut donner à la médecine libérale française les moyens de ses ambitions
Il faut donner à la médecine libérale française les moyens de ses ambitions

Entretien avec Franck Devulder, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), sur le présent et l’avenir de la médecine libérale et le sujet sensible de son articulation avec la médecine hospitalière, deux systèmes à la fois concurrentiels et pourtant foncièrement complémentaires.

La crise sanitaire a changé la perception des patients et la façon de travailler. Vue de l’intérieur, y-a-t-il un avant et un après covid ?

Pas vraiment malheureusement... Au tout début de la crise, lors du premier confinement, les ARS (agences régionales de santé) ont privilégié l’hôpital public. Rapidement, les hôpitaux ont été saturés et dépassés. Les médecins, mais aussi les autres professions de santé, se sont organisés et les professionnels de santé du public et du privé se sont mis à travailler ensemble. Il fallait s’organiser vite et tous les médecins de tous secteurs se sont entraidés afin de répondre aux besoins de soins de la population. L’après Covid ressemble malheureusement à l’avant, chacun a repris son pré-carré et on se retrouve à nouveau dans une organisation très fermée alors qu’on a besoin de faire tomber ces barrières. Notre système de santé marche sur deux jambes qui ont besoin d’avancer de façon complémentaire. Rappelons que l'activité libérale, c’est aujourd’hui 80 % des consultations.

Faire tomber les barrières est-ce une utopie ou la réalité des prochaines années ?

Unir les forces de chacun, établir des passerelles souples entre l’hôpital et la médecine de ville sont des idées fortes de la CSMF. Cette nouvelle organisation que j’appelle de mes vœux est une des clés de la réponse à l’accès aux soins. En revanche imaginer, comme dans la proposition de loi portée par Mme Rist (ndlr : députée LREM), que dans le cadre de la permanence des soins, le médecin libéral soit contraint d’aller assumer des astreintes à l’hôpital est pour nous une ligne rouge contre laquelle nous nous battrons. Les généralistes assument la permanence des soins en ambulatoire de nuit et de week-end dans 96 % des territoires. Envoyer un chirurgien opérer, en urgence, de nuit, en dehors de son environnement habituel serait de la folie. Donc, s’il s’agit vraiment d'une mise en commun de forces complémentaires dans le respect de la liberté de chacun, j’y suis favorable. 

Le partage des tâches et la coopération avec les autres professions de santé est un autre débat. Ces thèmes figurent d’ailleurs dans les priorités de la lettre de cadrage publiée par le gouvernement le 28 octobre 2022 en vue de la convention médicale 2023-2027 La CSMF est favorable aux délégations de taches. Le transfert de compétence est une hérésie. La compétence ne se transfère pas, elle s’acquiert ! En revanche, nous sommes ouverts au partage de compétence si cela s’inscrit dans un parcours de soins dont le médecin de famille est le chef d’orchestre. Chacun comprendra aisément que cela repositionne le rôle du médecin mais aussi celui des autres professions de santé et que cela passe par une valorisation de notre expertise.

Comme dans tous les domaines, l’innovation est entrée en force dans le domaine médical. De quelle façon cela va-t-il impacter le rôle du médecin ?

Du “lotus organiser” des années 80 aux logiciels de prises de RV en ligne, aux téléconsultations et à la téléexpertise, de l’eau est passée sous les ponts c’est certain ! L’innovation est une des clés pour donner aux médecins les moyens d’exercer. Et pourtant... il semblerait qu’un médecin libéral en France n’investisse que 0,7 % de son CA dans l’innovation, quand son homologue américaine en investirait 9 %. Le rôle du médecin est amené à évoluer notamment avec l’intelligence artificielle. Mais cela reste des outils d’aides à la décision et au bout de la chaine, le médecin sera toujours là, avec le rôle particulier qui est le sien : établir un diagnostic et proposer la thérapeutique adaptée.

Quel est votre avis sur le tarif de consultations, sujet sensible en ce début d’année. Faut-il l’augmenter en fonction de la complexité de la pathologie ?

Si la CSMF n’a pas appelé à rejoindre le mouvement de grève demandant une consultation à 50 €, nous partageons tous la même colère et, bien entendu, nous défendons le fait qu’il faille donner des moyens plus importants aux médecins pour leur permettre de répondre aux demandes de soins des Français. 
Effectivement, la solution qui consisterait à hiérarchiser le prix de la consultation en fonction de sa complexité doit être privilégiée. La CSMF demande 4 niveaux de consultations : 30 € pour une consultation de base, 60 € en cas de suivi d’une maladie chronique ou de consultation sur un nourrisson (plus chronophage), 75 € pour les consultations expertales plus complexes et 105 € pour les consultations très complexes ou la première consultation d’un patient en ALD (ndlr : affection longue durée) sans médecin traitant. Le 15 décembre dernier, l’assurance maladie a accepté le principe de la hiérarchisation sur 3 niveaux. Le tarif de la consultation à 25 € est devenu indécent. Il faut donner à la médecine libérale française les moyens de ses ambitions.

À compter de la rentrée 2023, les internes en médecine générale devront faire une quatrième année d’internat, en priorité dans les zones sous-denses. Qu’en pensez-vous ?

L’attractivité de la profession est un sujet crucial. Les études de médecine sont parmi les plus longues et les jeunes aspirent aujourd’hui à une vie différente de leurs ainés, plus équilibrée. Or la patientèle a progressé de 20 % mais le nombre de médecins généralistes traitants a baissé (11 % en moins)... Il faut trouver la voie de passage. Et que propose-t-on aux futurs médecins généralistes ? Une année d’internat supplémentaire (4 au lieu de 3), non pas pour parfaire leur formation, mais pour exercer seul dans une zone-sous-dense alors qu’ils ne seront pas encore docteur. Pour l’anecdote, cette 4è année a été élue « Flop de l’année » par le Quotidien du médecin... Plus sérieusement, il me semble que mettre les jeunes dans une situation inconfortable en début de carrière, sans encadrement et loin de leur famille est le meilleur moyen de les décourager. On ne réforme pas contre sa jeunesse. J’avais proposé que sur cette 4è année, il y ait un moratoire, afin d’apaiser les esprits, mais aussi que nous tournions tous vers la population française en les interrogeant sur leur demande en matière de santé. Une belle question pour un referendum...

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