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Est-il toujours intéressant aujourd’hui de devenir pharmacien d’officine ?

Santé
Est-il toujours intéressant aujourd’hui de devenir pharmacien d’officine ?
Est-il toujours intéressant aujourd’hui de devenir pharmacien d’officine ?

Encore plus depuis les années Covid, l’évolution du rôle du pharmacien et de ses attentes bouscule toute une génération de primo-accédants en quête de questionnement sur un métier pourtant bien plus porteur qu’ils ne le pensent...

Retours d’expériences et premiers éléments de réflexion grâce aux regards croisés d’Aurélien Filoche, directeur général et co-fondateur de OuiPharma et Patrice Marteil, responsable des partenariats chez Interfimo.

Que signifie être pharmacien aujourd’hui ? Les attentes des jeunes sont-elles les mêmes qu’hier et le métier reste-t-il attractif ?

Aurélien Filoche : Tout d’abord, le marché a considérablement évolué et pose aujourd’hui des attentes très différentes en fonction du type de pharmacie. Entre les pharmacies de ville, celles en milieu rural et les grosses structures calées sur le modèle de la grande distribution, le métier exercé ne sera pas le même. Par ailleurs, de façon plus générale, on perçoit un vrai changement sociétal lié aux nouvelles exigences des jeunes en matière d’équilibre vie professionnelle vie privée. Les contraintes d’ouverture ou encore le travail le week-end sont aujourd’hui un frein réel à l’installation. Se pose également la question du télétravail, pratique désormais courante dans les entreprises, mais dont les pharmaciens d’officine ne peuvent évidemment pas bénéficier, ce qui nuit à l’attractivité du métier.

Patrice Marteil : Même s’il est toujours délicat de faire des généralités, je partage globalement ce constat, qui n’est pas propre, du reste, à l’officine ni même aux professionnels de santé. Pourtant ce métier présente des atouts aussi bien au niveau de la diversité d’exercice, en fonction des différentes typologie d’officine, qu'au niveau des possibilités de mobilité géographique tout au long de sa carrière grâce à un marché des transactions actif et relativement stable depuis des années.
A ce sujet, notons qu’il y avait autrefois un « parcours » professionnel ou l’on commençait par une petite officine dans des zones géographiques où les prix étaient plus attractifs, puis on enchaînait les ré-installations sur des officines de tailles de plus en plus importantes, et/ou sur des zones géographiques plus recherchées, grâce au patrimoine constitué sur les précédentes installations. Aujourd’hui, il est souvent recherché dès le départ une officine de taille déjà significative autour de 2 M€ de CA et souvent dans une zone géographique attractive.

Justement en termes d’accès au financement, est-ce compliqué pour le jeune pharmacien qui souhaite s’installer aujourd’hui ?

Patrice M. : Il n’y a jamais eu vraiment de blocage en matière de financement et concernant les dossiers que nous recevons chez Interfimo, nous sommes à plus de 90 % de taux d'acceptation. Alors bien sûr, cela nécessite d’être accompagné par des conseils spécialisés en pharmacie (experts-comptables, avocats ou notaires). Par ailleurs, il existe aujourd’hui des solutions qui permettent aux pharmaciens d'accéder plus facilement à l'officine, même en présence d’un apport limité. Enfin, les groupements proposent un accompagnement complet et facilitent la première installation avec toute une offre de services et d’outils qui vont bien entendu des achats au merchandising, en passant par le coaching et l’aide à la gestion, tout ce qui permet au pharmacien de se concentrer sur son métier. 
Nous notons également le développement sur le marché de nombreuses solutions d’aides à l’installation autrement appelées « booster d’apport ». 
Interfimo disposent d’ailleurs de deux offres spécifiques à l’installation voire la ré-installation. Chacune des offres existantes sur le marché présente des avantages et des contraintes, mais le principe de ces offres est de limiter les premières années la charge financière du remboursement de l’emprunt, le temps de se consacrer au développement de l’activité.

Aurélien F. : J’ajouterais que la pharmacie reste un investissement avec un vrai potentiel d’enrichissement et les banques le savent. Par ailleurs, les objectifs changent. Il y a encore trois ans, on avait beaucoup de demandes sur des dossiers à plus de 2 millions d'euros, qui représentent à peu près 30 % du marché. Aujourd'hui, je constate que les jeunes pharmaciens n'ont ni l'expertise ni l'envie d’aller dans ce que j’appelle les pharmacies « usines ». Et ça c’est important, il faut redonner du sens à ces 70 % restants.

Aujourd’hui pourtant, beaucoup de pharmacies ont du mal à trouver un repreneur... Les jeunes ont-ils peur de s’installer ?

Aurélien F. : Je crois qu’aujourd’hui, le jeune pharmacien ne croit pas en la possibilité de revendre sa pharmacie. Il n’envisage sa rémunération qu’à court terme en faisant totalement abstraction de cette constitution de patrimoine et de ce potentiel d’enrichissement. L’augmentation des taux, des frais de personnel, la concurrence des grandes surfaces, les conditions de crise... Par manque de visibilité, par angoisse de l'avenir, mais aussi par manque d’assurance sur sa gestion de l’entreprise, le jeune pharmacien préfère aller faire ses armes dans une autre branche que l’officine avant de s’installer, mais parfois, il ne revient pas ! Et ça, c'est un fait nouveau. 

Patrice M. : En effet, le jeune pharmacien n’a pas une vision suffisamment large de son métier et peut trouver certains discours sur l’économie officinale alarmistes. On parle régulièrement des difficultés d’exercice, d’une économie officinale sous contrainte depuis des années, de fermetures…
Même si des fermetures (parfois sous forme de regroupement) ne pourront pas être évitées sur les structures les plus fragiles, Il est important de noter qu’aujourd’hui, les fondamentaux économiques sont sains et on oublie trop souvent de mettre en avant la capacité d’adaptation des pharmaciens, les perspectives favorables comme les nouvelles missions, son rôle de plus en plus essentiel. Rappelons qu'il est le seul professionnel de santé dont le maillage territorial est réparti en fonction du nombre d’habitant, pour répondre aux besoins de la population. 
On peut difficilement imaginer que des mesures économiques trop importantes conduisant à de nombreuses fermetures sèches puissent être prises. 
Donc pharmacien est, indiscutablement, un métier d’avenir. On peut certes comprendre que les contraintes économiques, qui ne sont pas récentes, peuvent constituer un frein psychologique à l’entrepreneuriat officinal, mais les chiffres démontrent qu’elles sont toujours moins fortes que dans tous les autres secteurs d’activité hors santé. 
En effet, depuis des années, les statistiques sont têtues, avec un taux de 0,3/1000, le nombre de procédures collectives est deux à trois fois plus faible que la moyenne des entreprises françaises (y compris hors période Covid). Et penser que l’explication se trouve dans le fait que les pharmaciens, malgré la faiblesse de leur formation quant à la gestion pendant leurs études, sont de meilleurs gestionnaires me semble présomptueux.  
De plus, au-delà du risque entrepreneurial, le métier offre des perspectives de se constituer un patrimoine très important (qui n’est ni plus ni moins qu’un revenu différé), tout au long de sa carrière professionnelle.

Quel est le rôle des agences spécialisées en transaction d’officine ?
Est-ce le signe d’une profession qui se complexifie ?

Aurélien F. : Je dis souvent que l'agence de transaction est nécessaire pour combler le « trou dans la raquette » qui est énorme en termes de formation. Si le pharmacien maîtrisait mieux l'environnement du commerce et de la gestion, ni moi ni les agences de transaction n'existeraient. Elles apportent au primo-accédant ce qu’il n’a pas comme compétences pour sécuriser son installation, négocier son prix de vente et réaliser toutes les démarches bancaires, juridiques, etc. Certes, comme toute agence il y a des frais de commission, mais derrière, il y a aussi l'engagement ou la responsabilité de l'intermédiaire. 

Patrice M. : J’ajouterais qu’avec des experts implantés dans toutes les régions, les agences de transactions ont une connaissance très forte du marché territorial.
Les agences visitent régulièrement les officines, elles en connaissent précisément les typologies, les titulaires et même dans une certaine mesure les équipes, les potentiels. Cela leur permet de sélectionner pour l’acquéreur des pharmacies qui correspondent le plus à ses attentes.
Ce sont des efforts conséquents de recherche que le pharmacien n'a pas à faire. De plus, les agences de transaction apportent une véritable valeur ajoutée et sécurisent effectivement l’installation.

Les petites officines ont-elles encore de l’avenir ?

Aurélien F. : Je pense qu’aujourd’hui, les officines doivent arriver à se retransformer. Je le répète, le marché a besoin de pharmaciens d'expérience qui maîtrisent les enjeux de l'installation et les contraintes de gestion. On est aujourd’hui dans une phase de transition ou l’on observe un décalage entre ceux qui partent à la retraite et les jeunes diplômés qui arrivent sur le marché sans aucune expérience de gestion. Il n’y a pas de passation entre les deux. Résultat, les jeunes pharmaciens en primo installation ne se sentent pas crédibles pour s’installer seuls. 

Patrice M. : C’est exact, le métier évolue et offre de nouvelles opportunités. La réponse des pharmaciens face au Covid a permis une réelle prise de conscience de leur rôle essentiel concernant la couverture de besoins de la population et notamment en matière de soins primaires. 
En ce qui concerne les « petites officines », l’introduction de l’honoraire de dispensation, il y a quelques temps, et les nouvelles missions sans cesse étendues aux pharmaciens leur ont permis, même si c’est encore à l'heure actuelle de façon marginale, d'amortir un peu la baisse de prix des médicaments. La mise en œuvre de ces nouvelles missions s’avère d'autant plus compliquée pour celles qui ne disposent pas de local suffisamment grand (ou de possibilité de transfert vers un local plus grand) ou de personnel.
Pourtant l’ensemble de ces mesures redonnent finalement de l'attractivité aux « petites officines » pour se lancer dans une première installation, d’autant que leur prix est devenu intéressant au regard de leur rentabilité économique et donc plus facilement accessible en matière d’apport, tout en permettant d’en vivre correctement. 
Sans oublier enfin que certaines d’entre-elles présentent de très belles perspectives dans le cadre d’un regroupement.

Si vous aviez deux conseils chacun à donner à un jeune qui souhaite s’installer, quels seraient-ils ?

Patrice M. : J’aurais envie de dire à ce jeune, " Osez ! Le risque est plutôt faible et l’investissement très intéressant (d’ailleurs ce n’est pas pour rien que les fonds d’investissements tentent de pénétrer le marché officinal !).
Donc si vous avez bien étudié votre dossier, votre typologie d’exercice, si vous avez réfléchi à votre stratégie de développement et que vous achetez au « juste prix économique », en vous entourant de spécialistes, avocat, notaire, expert-comptable, expert de la transaction d’officine et bien sûr expert en financement officinal, alors vous pouvez envisager sereinement votre installation ! "

Aurélien M. : Je rejoins Patrice sur l’importance de recourir à un accompagnement spécifique pour réussir son premier achat d’officine. Et puis j’insisterais auprès de ce jeune sur l’effet tremplin d’une acquisition qui lui permettra, en cas de revente de pouvoir exercer ses compétences autrement, par exemple en laboratoire, dans l'industrie, ou dans une start-up. Acquérir une pharmacie est une étape de vie. 

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