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Emprunt contracté par une SCI : déductibilité pour les associés ?

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Emprunt contracté par une SCI : déductibilité pour les associés ?
Emprunt contracté par une SCI : déductibilité pour les associés ?

Les intérêts d’un emprunt contracté par une SCI pour le rachat de parts d’un de ses associés sont-ils déductibles des revenus fonciers des associés restants ? 

Il est courant pour les professionnels libéraux désireux d’acquérir leur local professionnel de s’interroger sur la meilleure manière de procéder à cette acquisition. Nous constatons assez régulièrement qu’ils ont recours à une société civile immobilière qui achète en pleine propriété le bien immobilier, celle-ci louant ensuite le bien à la structure d’exercice.

Deux options fiscales sont possibles dans un tel schéma, la SCI :

  • peut être soumise au régime fiscal des sociétés de personnes c’est-à-dire au régime de l’article 8 du CGI (couramment appelée SCI soumise à l’impôt sur le revenu),
  • opter pour l’impôt sur les sociétés (afin de bénéficier de la possibilité d’amortir le bien notamment et donc réduire le coût fiscal de l’acquisition).

Nous ne reviendrons pas ici sur les incidences du choix pour l’une ou l’autre option.
Vous pouvez trouver plus d’informations sur cette question dans notre rubrique Votre carrière - Acheter ses locaux.

Dans le cadre d’une SCI soumise à l’impôt sur le revenu, la question pour les associés personnes physiques taxées dans la catégorie des revenus fonciers de la déductibilité des emprunts contractés est réglée par les articles 13-1, 28 et 31 du CGI. Selon le principe général posé par l’article 31 du CGI, les intérêts des emprunts contractés pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés (…) sont déductibles des revenus fonciers générés par le bien.

De ce principe, l’administration a précisé dans sa doctrine BOI-RFPI-BASE-20-80-20170901 aux numéros 30 et 130 que : « Les propriétaires peuvent déduire de leur revenu net foncier les intérêts des emprunts contractés pour la conservation, l'acquisition, la (re)construction, l’agrandissement, la réparation ou l'amélioration des immeubles donnés en location. (…) Les membres de sociétés immobilières dotées ou non de la transparence fiscale et non passibles de l'impôt sur les sociétés, de droit ou sur option, qui donnent en location les locaux représentés par leurs actions ou parts sociales, peuvent, en principe, déduire :

  • la quote-part qui leur incombe dans les intérêts des emprunts contractés par la société pour l’acquisition, l’amélioration, la réparation et la conservation des immeubles ;
  • les intérêts des prêts qu'ils ont contractés personnellement pour faire leur apport à la société ou acquérir leurs droits sociaux. »

Enfin, une réponse ministérielle Baudot (n°1500874, JO Sénat du 2 février 2006, p 280) reprise au numéro 80 de la doctrine précitée est venue préciser qu’« un emprunt souscrit par une société ou un groupement en vue de procéder au rachat de tout ou partie des parts correspondant aux droits de l'un de ses associés ne peut être regardé comme contracté pour l'acquisition ou la conservation d'un revenu. Dès lors, les intérêts de cet emprunt ne peuvent être admis en déduction pour la détermination du résultat net foncier de cette société ou de ce groupement. A l'inverse, un emprunt souscrit personnellement par un associé d'une société de personnes, visée au 1° de l'article 8 du code général des impôts et dont les résultats sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, qu'il soit déjà présent dans la société ou non, en vue de procéder au rachat de tout ou partie des parts correspondant aux droits d'un autre associé peut être regardé comme contracté pour l'acquisition d'un revenu. Dans ce cas, l'associé acquéreur pourra déduire de la part lui revenant dans le revenu foncier déterminé par la société, les intérêts de cet emprunt. »

L’affaire que nous évoquons aujourd’hui vient remettre en question la position prise par l’administration dans cette réponse ministérielle. Rappelons également que cette position administrative était critiquée par la doctrine.

Dans cette affaire, le TGI de grasse a condamné la SCI à payer, à l'un de ses associés autorisé à se retirer de la SCI en raison de ses dettes, la somme représentant la valeur des parts qu'il détenait. La SCI a contracté un emprunt à cette fin. A l’occasion d’une vérification de comptabilité de la SCI, l’administration a remis en cause la déduction des intérêts de cet emprunt à laquelle Mme C, associée de la SCI, avait procédé sur ses revenus fonciers.  

Les juges de premier instance ont validé le redressement appliqué par le service vérificateur au motif que l'emprunt avait été contracté aux fins de réaliser une opération capitalistique. Par cette mention, ils ont donc estimé qu'il avait eu pour objet d'augmenter la part détenue par les associés restant dans le capital de la SCI et ne pouvait être regardé comme ayant eu celui de seulement conserver la propriété détenue par ces associés ou les revenus qu'ils perçoivent.

L’affaire a donc été portée par le contribuable devant la Cour administrative d’appel. Cette dernière a statué dans le sens du contribuable. L’administration a formé un pourvoi portant ainsi le litige devant le Conseil d’Etat qui vient de rendre sa décision.

Pour le conseil d‘Etat, il résulte de la combinaison des articles 13, 28 et 31 du CGI que seuls les intérêts des emprunts contractés pour l’acquisition de biens ou droits immobiliers destinés à procurer des revenus fonciers sont déductibles du revenu brut foncier. Il en va notamment ainsi des intérêts des emprunts souscrits par un associé pour acquérir les parts d’une société de personnes dont les résultats sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers. Il en est de même pour le remboursement des parts d’un associé par une telle société lorsqu’il est établi que l’emprunt est nécessaire pour la conservation du revenu foncier de celle-ci.

Ces principes posés, le conseil d’Etat indique que, par une appréciation souveraine qui n’est pas arguée de dénaturation, cette société avait été condamnée par décision de justice à rembourser les parts d’un de ses associés et l’inexécution d’une telle décision exposait la société et les associés restants au risque, notamment de la vente du bien dont il s’agit. Ainsi, la Cour administrative d’appel a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, que les intérêts de l’emprunt que la SCI avait souscrit pour rembourser les parts étaient déductibles en application des dispositions précitées de l’article 31 du code général des impôts.

En résumé, le Conseil d’Etat par cette décision infirme la réponse ministérielle Baudot précitée et permet la déduction des intérêts d’emprunt souscrit par une SCI pour rembourser les parts d’un associé sortant à condition d’établir que l’emprunt est nécessaire pour conservation du revenu foncier des associés restants.

Retrouvez la décision du Conseil d’Etat du 9 juin 2020 : legifrance.gouv.fr

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